APOCALYPSE DE JEAN DANS L’ART

APOCALYPSE DE JEAN DANS L’ART
APOCALYPSE DE JEAN DANS L’ART

L’Apocalypse de Jean propose à l’inspiration des artistes une extraordinaire richesse de thèmes religieux, dont le symbolisme, déjà merveilleusement évoqué, ouvre à l’imagination des perspectives sans bornes. Les grandes scènes, les figures énigmatiques dont l’ouvrage est rempli constituent autant de sujets dont les lignes, et parfois même les couleurs, déjà si nettes et si contrastées, ne peuvent laisser indifférente la sensibilité artistique. Quoi de plus évocateur que le Livre aux sept sceaux, la Liturgie céleste, les Quatre Cavaliers, la Femme céleste et son enfant, la Grande Prostituée, les Bêtes de la terre et de la mer, la chute de Babylone?

Pourtant, la liste des œuvres d’art consacrées à l’Apocalypse n’a pas l’ampleur qu’on pourrait croire. Quand on en dresse le tableau, on constate un double phénomène. Les Églises orientales ont longtemps hésité avant d’admettre ce livre étrange parmi ceux qui pouvaient fournir des thèmes à leurs artistes. C’est en Occident que l’ouvrage a vraiment servi de point de départ à l’inspiration artistique. Mais ici un second fait se manifeste. À certaines époques, l’Apocalypse constitue le thème essentiel de l’art chrétien. Puis elle semble tomber dans l’oubli pour reparaître ensuite avec éclat.

Comment expliquer ces éclipses? Le rôle des Églises est évidemment primordial. En Orient, l’Apocalypse fut longtemps laissée hors du «canon» des livres inspirés. En Occident, elle fut parfois un peu oubliée, à cause de son contenu eschatologique. Les artistes suivaient l’impulsion donnée par les autorités. À cette explication religieuse, il faut probablement ajouter l’influence des circonstances sociales et politiques. Dans les périodes de grands troubles, de guerre, de révolutions, d’épidémies, il semble que l’Apocalypse redevienne actuelle et vivante et que les artistes retournent puiser dans ce livre merveilleux les thèmes évocateurs des derniers temps.

1. La mosaïque romaine

L’art chrétien s’inspira très tôt des visions de l’Apocalypse. Même en Orient, où l’ouvrage était quelque peu suspect, on trouve dans la décoration des lieux de culte une atmosphère apocalyptique, qui s’exprime en particulier dans les thèmes byzantins de l’hétimasie, préparation du trône pour le retour du Christ, ainsi que dans le sujet voisin du Jugement dernier. Mais les illustrations littérales du livre sacré font défaut, du moins à l’origine.

En Occident, par contre, on assiste, vers la fin du IVe siècle et au cours du Ve siècle, à l’éclosion d’un art apocalyptique. On a pensé qu’il était l’expression artistique de la «paix constantinienne». C’est peut-être vrai au début, mais quand surviendront les invasions barbares et les luttes intestines au sein de l’Empire, l’influence de l’Apocalypse demeurera très grande. D’ailleurs, c’est moins l’aspect guerrier que l’ambiance de paisible triomphe du Christ qui s’exprime dans les mosaïques de cette époque. Beaucoup de ces œuvres ont péri, mais les églises de Rome en gardent de superbes vestiges. Le Christ en majesté, entouré de la cour céleste et spécialement des vingt-quatre vieillards, apparaît sur l’arc triomphal de Sainte-Marie-Majeure (430) et, plus tard, de Saint-Paul-hors-les-Murs (Ve s.). L’Agneau sur son trône, avec le Livre aux sept sceaux à ses pieds, entouré des quatre «vivants», symboles des évangélistes, figure à l’arc triomphal de Saint-Cosme-et-Saint-Damien (VIe s.). La Jérusalem céleste décore, dès la fin du IVe siècle, l’abside de Sainte-Pudentienne, où elle revêt l’aspect d’une ville fortifiée de l’époque. L’artiste qui, au IXe siècle, a décoré l’arc triomphal de Sainte-Praxède suit de plus près le texte sacré: c’est dans une ville parée de mille pierreries que règne le Christ, entouré des anges, des «vivants» et des vieillards.

2. L’enluminure monastique

Pour exécuter ces mosaïques, les artistes n’ont donc retenu que certains thèmes de l’Apocalypse. Avec l’art de l’enluminure, qui va régner durant tout le Moyen Âge, c’est l’ensemble de l’ouvrage qui s’offre à l’inspiration des miniaturistes dans les abbayes d’Occident. Au point de départ, on trouve l’Espagne, qui donne très tôt une place importante à l’Apocalypse. L’ouvrage était utilisé par la liturgie mozarabe, spécialement durant la semaine pascale. On possède tout un groupe de manuscrits qui reproduisent le commentaire de l’Apocalypse rédigé par un moine espagnol, appelé Beatus de Liebana (776). Leurs enluminures sont au point de départ d’une tradition artistique, qui aboutira aux sculptures de Moissac. L’un des exemplaires les plus remarquables et les plus anciens est actuellement au musée de la cathédrale de Gérone en Espagne (975).

Mais les contacts franco-espagnols, particulièrement au cours des pèlerinages à Saint-Jacques-de-Compostelle, firent connaître dans le midi de la France les splendides images des moines espagnols. On assiste alors à la naissance d’un art plus riche, où se mêlent, en une vivante synthèse, les sources venues d’Espagne et les influences orientales, de provenance syrienne ou égyptienne. La plus belle des œuvres issues de cette rencontre est l’Apocalypse de Saint-Sever (Bibl. nat. lat. 8878), réalisée au XIe siècle dans l’abbaye bénédictine de ce nom. Le style de l’artiste semble emprunté à l’art des émaux, dont il utilise les couleurs très vives et le procédé de cloisonnement des figures. Parallèlement à ce groupe franco-espagnol, les miniaturistes de la France du Nord et des pays de langue allemande s’intéressent aussi à l’Apocalypse. C’est le cas des grands maîtres de la Renaissance carolingienne qui fusionnent les traditions de l’art indigène et les apports de l’art byzantin. De ce milieu sont sorties les Apocalypse de Trêves, de Valenciennes et de Cambrai (IXe s.) ainsi que, plus tard, celle de Bamberg (XIe s.). Il faut citer aussi la Bible de Charles le Chauve , exécutée à Saint-Martin de Tours (800), et l’Évangéliaire de Saint-Médard de Soissons (Xe s.).

3. La fresque romane

L’art de la fresque paraît lié très étroitement à l’enluminure des manuscrits. Mais le manque de documents anciens empêche de préciser leurs rapports historiques. Sur les murs des chapelles de Baouit, d’Esneh et de Saqqara, en Égypte, on a découvert de surprenantes peintures, où le thème du Jugement dernier est traité selon les données de l’Apocalypse. On peut dater ces fresques du VIe siècle. Plus tard, en Asie Mineure, les moines basiliens ornèrent leurs églises rupestres de Cappadoce d’ensembles picturaux de même inspiration (IXe s.). Ces œuvres ont-elles été connues en Occident dès le Xe siècle? On ne peut l’affirmer. Du moins, à cette époque, on trouve en Italie, dans la basilique romane de Castel Sant’Elia, non loin de Civita Castellana, dans le Latium, un groupe de fresques consacrées à l’Apocalypse.

En France, le plus bel ensemble est évidemment celui qui décore l’église abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe dans la Vienne. Cette magnifique œuvre romane est entièrement ornée de fresques exécutées dans la première moitié du XIIe siècle. Le porche a été réservé aux scènes tirées de l’Apocalypse. Malheureusement il y règne une demi-obscurité et les peintures ont beaucoup souffert. On y voit le Christ en gloire dans la Jérusalem céleste, le combat de l’Archange et de la Bête, la Femme et la Bête, les Sauterelles et la Jérusalem nouvelle. Les teintes d’origine étaient déjà très pâles: ocre rouge, ocre jaune et vert clair. Dans une composition très animée, les personnages semblent emportés par le souffle de l’Esprit. L’artiste s’est-il inspiré d’un manuscrit? On a émis l’hypothèse d’une enluminure poitevine ou limousine. Rien n’est moins sûr. En tout cas, il ne semble pas connaître l’Apocalypse de Saint-Sever. Par contre, il est certain qu’il appartient à une école qui travaillait dans la même région et dont quelques œuvres ont survécu. On peut citer les fresques de la chapelle Saint-Gilles de Montoire (Loir-et-Cher), où le Christ apparaît quatre fois dans un cadre apocalyptique, et celles de Saint-Genest de Lavardin (Loir-et-Cher), avec un grand Christ en majesté.

4. La sculpture romane

C’est aussi au XIIe siècle que les thèmes apocalyptiques s’expriment par les plus belles sculptures. On a fait remarquer que la figure du Christ en majesté, entouré de toute la cour céleste, avait quitté le fond de l’abside pour venir sur l’arc triomphal. Maintenant elle sort et s’installe au tympan du grand portail des églises pour y accueillir les fidèles. Il en est ainsi à Saint-Jacques-de-Compostelle, à Saint-Trophime d’Arles, au portail royal de Chartres et à l’abbatiale Saint-Pierre de Moissac. Aucune œuvre, a-t-on dit, ne dépasse en beauté le tympan de Moissac. Le Christ domine les autres personnages de sa taille gigantesque. Il est entouré des quatre «vivants», symboles des évangélistes, de deux séraphins et des vingt-quatre vieillards, disposés sur trois registres superposés. L’intensité dramatique de la scène, l’expression des visages n’enlèvent rien à l’harmonie de la composition. L’artiste s’est inspiré de l’Apocalypse de Saint-Sever , mais il a surpassé son modèle par la majesté de sa composition.

Ce chef-d’œuvre marque un sommet dans l’influence de l’Apocalypse sur la sculpture. Dans plusieurs tympans à peu près contemporains, on voit apparaître des thèmes empruntés aux Évangiles, spécialement à celui de Matthieu, alors que la disposition générale des personnages reste celle de la vision apocalyptique. C’est le cas, en particulier, du portail méridional de Beaulieu-surDordogne (Corrèze), qui évoque le Jugement dernier (1125), et du portail nord de la cathédrale Saint-Étienne de Cahors (Lot), qui représente l’Ascension (1135). Est-ce là une marque d’incompréhension à l’égard d’un ouvrage dont on perçait difficilement le symbolisme compliqué? C’est peu probable. Il s’agit plutôt d’une certaine défiance en face d’un texte, dont on se servait pour mettre l’Église en accusation. En tout cas les dernières églises romanes et surtout les cathédrales gothiques, Laon, Chartres, Bourges, Paris, Reims, Amiens, ont préféré s’inspirer de l’Évangile pour développer le thème des fins dernières.

5. Le vitrail gothique

Mais cette désaffection est loin d’être totale. Le vitrail, caractéristique de l’art nouveau, s’efforce de traduire en images lumineuses les scènes merveilleuses de l’Apocalypse. La cathédrale de Bourges en offre un remarquable exemple. Dans l’ensemble formé par les verrières des chapelles absidales et des fenêtres intermédiaires, réalisées entre 1215 et 1255, on découvre un vitrail entièrement consacré aux visions de Jean. Les diverses scènes sont disposées autour de trois médaillons, où le Christ apparaît successivement entouré des séraphins, porteur des étoiles, chargé du Livre aux sept sceaux et tenant dans sa bouche le glaive de la Parole. La chaleur des couleurs, où dominent les rouges et les bleus, est en harmonie avec l’inspiration mystique de l’artiste. De même importance mais plus récents sont les vitraux de la rosace de la Sainte-Chapelle de Paris (XVe s.), qui illustrent la plupart des scènes de l’Apocalypse. Le dessin est plus libre et les couleurs plus nombreuses qu’à Bourges, mais la vivacité des tons est très atténuée et n’a plus la chaleur des verrières du XIIIe siècle. On peut citer aussi le grand vitrail de la cathédrale de York (1405), qui traite le même sujet.

6. La tapisserie

L’art de la tapisserie est peut-être plus capable encore de traduire en images les scènes de l’Apocalypse, puisque l’espace lui est moins limité et qu’il peut donner à chaque tableau une ampleur plus grande. Vers la fin du XIVe siècle, il tend à devenir le plus magnifique des arts décoratifs de l’Occident. Les fameuses tapisseries de l’Apocalypse d’Angers marquent une époque dans l’art apocalyptique. Elles furent commandées par le duc Louis Ier d’Anjou, frère du roi de France Charles V, à Jean Bondol, appelé aussi Hennequin de Bruges, peintre du roi. L’artiste s’inspira de divers manuscrits, surtout d’une Apocalypse du XIIe siècle, exécutée au monastère de Bethléem, près de Louvain (Bibl. de Cambrai, ms. 422). L’œuvre fut réalisée de 1375 à 1380 dans l’atelier parisien de Nicolas Bataille. Elle se composait de sept grandes pièces, d’une longueur totale de 144 mètres sur 5 mètres de haut et comportait 90 tableaux. Il en reste 71, plus quelques parties isolées. C’est la plus complète et la plus remarquable illustration de l’Apocalypse que nous ait léguée l’art français du Moyen Âge. Presque toutes les scènes du livre sont représentées. L’artiste n’a pas seulement imité son modèle, il a fait preuve d’une très grande originalité dans la conception de l’ensemble, dans la composition des tableaux, dans l’équilibre des personnages. Son art consommé se manifeste par la simplicité et la souplesse du dessin, par la recherche du contraste des formes et des couleurs.

7. La peinture flamande

L’auteur des tapisseries d’Angers est originaire de Bruges. Quelques années plus tard, on assiste dans cette ville à la somptueuse éclosion de la peinture flamande, qui rivalise avec l’art de la première Renaissance italienne. Les deux frères Hubert et Jean van Eyck, peintres de la cour de Philippe le Bon, s’inspirent de l’Apocalypse pour composer le Retable de l’Agneau mystique , entre 1420 et 1431. Cette œuvre, qu’on peut admirer à la cathédrale Saint-Bavon de Gand, marque un moment capital dans l’histoire de la peinture par l’usage d’un procédé nouveau, mais aussi par une révolution dans les méthodes de composition. Le thème, emprunté au livre le plus étrange du Nouveau Testament, appelait un mouvement extraordinaire. Ici on trouve le calme, la perfection paisible, la beauté statique des formes, la splendeur des couleurs, l’absence totale de passion et d’inquiétude. Le souffle tumultueux de l’Apocalypse s’est apaisé. C’est la même atmosphère paisible, mais plus imprégnée de mysticisme, qu’on trouve chez Hans Memling, venu du pays rhénan se fixer à Bruges. On admire, au musée Memling, un Triptyque de la Vierge et des deux saint Jean , dont le volet droit reprend le thème des quatre «vivants», symboles des évangélistes (1479).

8. Les fresques italiennes

Le souffle apocalyptique éclate de nouveau dans les fresques de la chapelle San Brizio dans le dôme d’Orvieto en Italie. Commencées en 1447 par Fra Angelico et Benozzo Gozzoli, elles furent confiées de 1499 à 1504 à Luca Signorelli, dont elles sont le chef-d’œuvre. Il a peint la prédication de l’Antéchrist, la fin du monde, la résurrection générale et un étonnant Jugement dernier, qui fait pressentir Michel-Ange. C’est un retour aux vieux thèmes médiévaux, qu’il évoque en «visionnaire halluciné».

9. La gravure allemande

C’est principalement en Allemagne que règne à ce moment l’esprit de l’Apocalypse. Vers la fin du XVe siècle, l’art de la gravure, spécialement sur bois, s’y épanouit. De nombreuses Bibles xylographiques paraissent, dont les deux plus célèbres sont dues à Heinrich Quentell de Cologne (1479) et à Koberger de Nuremberg (1483). Le filleul de ce dernier s’appelle Albert Dürer. C’est un homme de la Renaissance, mais encore fidèle à l’esprit du Moyen Âge. En 1498, il publie son Apocalypsis cum figuris , dont les 14 tableaux évoquent les principales scènes des visions de Jean. On a voulu y voir l’expression du «tour d’esprit de sa race». En réalité, le contexte historique explique cette prédilection pour les vues fantastiques de l’Apocalypse. Déjà s’annoncent les bouleversements de la Réforme et les premiers grondements de la révolte des paysans. L’artiste suit le texte sacré de très près, mais son interprétation surpasse celle de ses devanciers par son originalité et son dynamisme.

L’œuvre de Dürer eut une immense influence. En Allemagne, Lucas Cranach s’en inspira pour la Bible de Wittemberg (1522), Schäuffelein et Holbein le Jeune (1523) dans leurs Apocalypse. Dans les Flandres, elle fut imitée à Anvers (1528-1529). En Suisse, elle est à l’origine d’une série de 22 gravures réalisées par le Bâlois Johann Frank (1538). À Venise, dans la basilique Saint-Marc, elle fut transposée en mosaïques vers 1515. Dans les monastères du mont Athos, les cycles de fresques consacrées à l’Apocalypse au cours du XVIe siècle paraissent inspirés de Dürer ou de ses imitateurs.

10. Les icônes russes

Certains pensent que l’influence de Dürer s’étendit jusqu’à la Russie. À Iaroslav, des thèmes tirés de l’Apocalypse apparaissent dans les icônes des églises du prophète Élie (1680) et de Saint-Jean-Baptiste (1695). Le message de Dürer y serait parvenu par l’intermédiaire de la Bible hollandaise de Piscator (1650). Mais il faut évoquer ici l’existence en Russie de plusieurs œuvres contemporaines du maître allemand. Les deux plus célèbres icônes de l’Apocalypse proviennent l’une d’une église de Novgorod (actuellement au musée de Saint-Pétersbourg), l’autre de la cathédrale Ouspenski du Kremlin de Moscou. On y admire l’illustration détaillée et minutieuse des scènes principales du livre sacré, qui semble avoir retrouvé à cette époque une audience qu’il n’avait pas eue aux origines de l’Église russe. On peut se demander si, aux alentours de 1500, il n’y a pas quelque lien entre les mouvements plus ou moins «hérétiques», qui apparaissent à Novgorod, et la faveur dont jouit l’Apocalypse.

11. Le XVIe siècle français

La France du XVIe siècle manifeste le même intérêt à l’égard de l’Apocalypse de Dürer. Plusieurs cycles gravés lui sont consacrés, où l’on décèle cette influence. Pourtant certains manifestent une grande indépendance à l’égard du maître allemand. C’est le cas de Bernard Salomon, dit le Petit Bernard, et surtout de Jean Drouot ou Duvet, dit le Maître à la Licorne. De 1546 à 1561, ce graveur travaille à son Apocalypse figurée , où il s’efforce d’allier à un grand souci d’exactitude une liberté d’expression et une imagination très vives. La sculpture rivalise en ce domaine avec la gravure. En 1544 est érigé dans la cathédrale de Limoges (Haute-Vienne) le Tombeau de Jean de Langeac , dernier architecte de l’édifice. L’élégant mausolée est orné de quatorze panneaux sculptés, qui retracent les principaux épisodes de l’Apocalypse. L’artiste s’est peut-être inspiré de Dürer, mais il interprète son modèle avec une fougue très personnelle. L’art du vitrail, qui a beaucoup évolué, tend à s’inspirer de la gravure. Les thèmes des visions johanniques sont, dans cette perspective, particulièrement privilégiés. Les maîtres verriers les traitent assez fréquemment. Parmi les plus belles œuvres apocalyptiques de ce temps, il faut citer le vitrail de l’église Saint-Florentin (Yonne), qui date de 1529, et surtout les verrières de la sainte-chapelle du château de Vincennes, terminées en 1556.

12. Les contemporains

Durant trois siècles, l’Apocalypse cessa presque totalement d’inspirer les artistes. On pourrait évoquer seulement quelques fresques baroques. Il fallut attendre la fin du XIXe siècle pour que l’intérêt se portât de nouveau sur ce livre mystérieux. En 1899, Odilon Redon publia une série de lithographies extrêmement évocatrices pour en illustrer les scènes principales. Depuis lors, surtout après la Seconde Guerre mondiale, le nombre des œuvres consacrées à l’Apocalypse n’a cessé de croître. Il semble que les circonstances historiques aient eu, en ce domaine, une grande influence. Mais la redécouverte de l’ouvrage par le protestantisme est aussi un facteur important. Cet intérêt se manifeste dans tous les domaines de l’art. On peut noter plusieurs Apocalypse gravées, dont la plus belle est peut-être celle d’Édouard Goerg (1943). De nombreuses fresques illustrent divers épisodes. Dans l’église catholique de Rheinfelden (Suisse), c’est la Jérusalem céleste; dans l’église de Möhlin (Suisse), c’est la grande liturgie céleste. Les mosaïques ne manquent pas. Citons celle qui orne la façade du temple protestant d’Aubagne (Bouches-du-Rhône), qui évoque le thème de l’Agneau. Les peintres verriers à leur tour reviennent à la grande tradition. En 1957, une belle série de huit vitraux est consacrée à l’Apocalypse dans l’église de Winterthur (Suisse). La tapisserie apporte là ses possibilités renouvelées. Dans l’église catholique du plateau d’Assy (Haute-Savoie), Jean Lurçat évoque la Femme et le Dragon (1966). Il faut mentionner, pour terminer, l’extraordinaire Apocalypse de Joseph Foret (1961), dont on a beaucoup discuté, mais qui témoigne, par la variété de ses collaborateurs, Bernard Buffet, Salvador Dali, Leonor Fini, Foujita, Mathieu, Trémois et Zadkine, que l’Apocalypse n’a pas fini d’inspirer les artistes en quête d’images merveilleuses.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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